415- Nature humaine : forcément violente ?

        … On pourrait reprendre d'autres conflits, Yougoslavie, Liban, Rwanda : on retrouve des militaires, des chefs politiques et leurs ordres, pour commencer à tuer. Les populations, malheureusement, peuvent finir par suivre. Surtout si les exactions se répètent des deux côtés. C'est donc d'en haut que cette violence est organisée, lancée, utilisée, pour essayer de nous y entrainer, en bas. Oui, la violence peut se manifester chez les humains.

            Mais sinon, dans leur vie quotidienne, en l'absence de tuerie organisée au-dessus de leurs têtes, les populations sont tout à fait pacifiques. Les peuples, différents, mélangés, peuvent très bien coexister…

            Combien de fois a-t-on entendu cette phrase ? "L'homme est un loup pour l'homme". On nous dit qu’imaginer un monde d'égalité, un monde non violent, c'est de la blague, une utopie. Que vous aurez beau mettre en place n'importe quel système, la nature profonde reviendra chez certains : ils voudront dominer, diriger, commander, et la violence va revenir.

            Un exemple. On le sait un peu, la Syrie a connu un grand changement en décembre 2024. Le régime du dictateur sanguinaire Bachar El Assad est tombé. Ce tyran, spécialiste de la torture à grande échelle, était de religion alaouite, comme un dixième de la population de son pays. Mais la grande majorité est d'une autre branche religieuse du monde musulman, elle est sunnite. Et, bien entendu, les Alaouites étaient plutôt favorisés par El Assad, qui les utilisait pour soutenir son régime.

            Tout le monde craignait que des violences aient lieu : maintenant que les Alaouites sont dans le camp des perdants, des Sunnites vont forcément se venger de ce qu'ils ont subi. Et effectivement, en mars 2025, 1500 Alaouites ont été massacrés, tous des civils, vieillards, femmes et enfants compris.

            C'est de cette manière que la plupart des grands moyens d'information ont présenté les choses. Ce qui devait arriver est arrivé : c'est dans la nature humaine. Mais, après plusieurs jours, on a su ce qui s'est vraiment passé. Et il y a une différence. 

            Cela a commencé par une tentative faite par des anciennes forces alaouites, anciens policiers ou militaires d'El Assad, sans doute, qui ont attaqué des forces nouvelles du nouveau régime. Cela s'est passé dans la ville de Baniyas, où coexistent Alaouites, Sunnites, Ismaéliens, Chrétiens. Et dans le quartier alaouite, les civils, la population alaouite a refusé de participer à ces combats, menés par une bande armée. Les choses, du coup, se sont arrêtées là.

            Mais le lendemain, ce sont cette fois des bandes armées sunnites, se sentant protégées puisque le nouveau régime est dirigé par des sunnites, qui sont venues. Et ces gens-là, d'anciens islamistes violents, des étrangers pour beaucoup, Ouïgours, Tchétchènes, s'en sont pris, eux, directement à la population. Frappant aux portes, soi-disant pour un contrôle sur les armes, ils ont tué, sans faire de détail, plus d'un millier de civils.

            Ce ne sont donc pas du tout de simples gens de la population sunnite qui ont massacré. Ce sont des hommes armés, des bandes, des professionnels de la violence. La population, elle, non seulement n'a pas participé aux massacres affreux, mais il s'est trouvé des Sunnites qui ont protégé des Alaouites, leurs voisins. Et ils prenaient de gros risques en le faisant.

            "C'est quelque chose de beau, cette solidarité, qu'ont exprimée de nombreuses familles sunnites de la ville, au péril de leur vie. Les survivants, ce sont ceux qu'elles ont cachés". Voilà ce qu'a dit un Alaouite de 69 ans. Avec son épouse et ses trois fils, et deux autres familles alaouites, ils sont restés deux nuits chez leur ami sunnite. Ailleurs, parce qu'ils avaient aidé des Alaouites, des sunnites ont été tués par les milices sunnites.

            Dans cette histoire, les tueurs, les violents, d'un côté comme de l'autre, ce sont des hommes entrainés à la violence, des tueurs professionnels, des hommes obéissant à des chefs, à des ordres. Spontanément, les populations se sont comportées tout autrement. La population alaouite a refusé de suivre la violence des militaires alaouites. La population sunnite, ou une partie au moins, a non seulement refusé d'aider les militaires, les professionnels de la violence sunnites, mais certains ont pris le risque de mourir, en aidant leurs voisins alaouites en danger. Dans cette histoire, l'homme n'a pas été un loup pour l'homme !

            On pourrait reprendre d'autres conflits, Yougoslavie, Liban, Rwanda : on retrouve des militaires, des chefs politiques et leurs ordres, pour commencer à tuer. Les populations, malheureusement, peuvent finir par suivre. Surtout si les exactions se répètent des deux côtés. C'est donc d'en haut que cette violence est organisée, lancée, utilisée, pour essayer de nous y entrainer, en bas. Oui, la violence peut se manifester chez les humains.

            Mais sinon, dans leur vie quotidienne, en l'absence de tuerie organisée au-dessus de leurs têtes, les populations sont tout à fait pacifiques. Les peuples, différents, mélangés, peuvent très bien coexister. 

            Alors, pourquoi cette idée que l'homme est forcément violent ? Pourquoi domine-t-elle ? Pour trouver une réponse, cherchez à qui cette idée profite.

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