411- Violence des jeunes : le poids de la société

...Quand on se sent mis à l'écart, que l'on n'a pas d'espoir, on peut vite basculer dans l'envie de détruire. Un jeune qui ne trouve pas sa place à l'école peut s'effacer, se renfermer dans un coin. Mais il peut aussi se sentir exister en se rebellant, contre l'école, contre le prof, contre d'autres élèves. Casser, être violent, cela peut devenir une raison, une façon d'exister, parce que la vie n'en offre pas. Voilà d'où viennent ce que le ministre de l'Intérieur appelle des "violences gratuites", et qu'il ne peut pas ou ne veut pas comprendre...

            Un jeune de 14 ans est mort à Paris, poignardé par deux adolescents de 16 et 17 ans, parce qu'il ne voulait pas leur donner son téléphone portable. Cette histoire est choquante. Parce qu'elle concerne des gens très jeunes. Parce que le motif est un objet ordinaire. Mais rien que dans Paris, il y a en moyenne une bataille par semaine entre bandes de jeunes avec, une fois sur deux, un blessé par un couteau.

            Lorsqu'une affaire comme celle-là sort dans les journaux, sur les réseaux, immédiatement, ministres, hommes politiques, tous ont un discours de fermeté : il faut des peines plus dures, il faut arrêter de dire que ce sont des enfants, il faut les punir comme tous les criminels, il faut plus de prisons. Il faut leur apprendre le respect !

            Bien sûr que cette violence, qu'un tel crime, est un gros problème. On se dit que quelque chose ne va pas du tout. Et on cherche ce qui peut expliquer de tels comportements, de tels gestes. A partir du moment où ces actes se multiplient, ne sont plus des cas isolés, mais au contraire se multiplient, on cherche en quoi la société est responsable.

            Mais beaucoup parmi les dirigeants politiques écartent cette idée d'avance : "Moi, ma société n'est pas responsable. Moi, ma société m'a bien éduqué. Je ne vois pas en quoi la société est responsable", voilà ce qu'a dit l'un d'eux.

            Oui, d'une certaine manière, c'est vrai. Il n'y a pas une société, il y en a plusieurs. Ce monsieur a sans doute bénéficié d'une belle éducation, de belles écoles, de beaux principes. Sa société marche bien, les gens n'y sont pas violents, ils n'ont pas de raison d'être violents, puisqu'ils vivent bien. Et leurs enfants sont assurés de prendre le relais pour gouverner, diriger, comme leurs parents. Mais cette société, leur société, est fermée aux autres. 

            Dans les milieux populaires, c'est une autre société où l'on doit vivre. Pas de belles écoles, pas de beaux services publics, pas de beaux espaces. On vit chichement, avec peu d'espoir d'un avenir meilleur. Le travail est dur, ne laisse pas aux parents les moyens d'offrir à leurs enfants la disponibilité, la richesse, la culture. Et les enfants ne voient pour avenir qu'un emploi incertain, une économie de crise ou le climat qui s'abime. Dans leur belle société, certains trichent avec l'impôt, ou détournent l'argent. Dans les mondes populaires, on n'a pas d'argent. Certains deviennent violents pour en arracher. Mais les plus nombreux à être violents le sont juste par désespoir. 

            Quand on se sent mis à l'écart, que l'on n'a pas d'espoir, on peut vite basculer dans l'envie de détruire. Un jeune qui ne trouve pas sa place à l'école peut s'effacer, se renfermer dans un coin. Mais il peut aussi se sentir exister en se rebellant, contre l'école, contre le prof, contre d'autres élèves. Casser, être violent, cela peut devenir une raison, une façon d'exister, parce que la vie n'en offre pas. Voilà d'où viennent ce que le ministre de l'Intérieur appelle des "violences gratuites", et qu'il ne peut pas ou ne veut pas comprendre.

            Partant de là, il y a deux attitudes possibles. Met-tre en prison ? le jeune qui a été violent par manque d'espoir, va trouver là tout autre chose : de vrais cri-minels, des professionnels de l'arnaque et du crime. 

            C'est de tout autre chose qu'un jeune a besoin, et dont la société a besoin. C'est d'un milieu où l'on se soucie d'aider ce jeune, de lui apporter les moyens et les raisons d'avoir confiance en ses possibilités. Certes, on devra dans certains cas apporter une sanction, un travail à faire par exemple, mais l'essentiel n'est pas dans la sanction.

            Si on ne le fait pas, si on ne voit pas les choses ainsi, que se passera-t-il ? Le jeune ira en prison quelque temps. Quand il en ressortira, il sera glorifié par ce passage en prison, aux yeux d'autres qui sont sur le point de prendre le même chemin, et il peut ainsi devenir un chef de bande. 

            C'est pour éviter cela, qu'un organisme a été créé en France, au lendemain de la 2è Guerre mondiale, avec l'esprit de vouloir venir en aide à la jeunesse qui va mal. C'est la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Composée d'éducateurs surtout, de psychologues, de professeurs et de personnels de santé. Ils doivent s'occuper de 150 000 jeunes chaque année. Mais ils voient leurs effectifs baisser et ne sont plus que 9 000 pour toute la France.

            Nos dirigeants politiques préfèrent jouer les matadors et ne parler que de répression : ils ne font qu'aggraver le problème. Et si l'on se posait la question d'apporter de l'espoir à nos jeunes ?

 

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