410- Population : ils nous font vivre là où ils veulent

            ... Car toute une nouvelle population aisée a envahi Paris, et elle profite du travail de la banlieue. Grâce à quoi cette nouvelle population vit bien, et même très bien. Elle a pris les logements des couches populaires renvoyées de Paris. C'est eux qu'on appelle souvent les "bobos" :  ce sont des responsables de banque, des ingénieurs, des managers de haut niveau, des directeurs de communication, des directeurs logistiques : bref, 46% de ceux qui travaillent à Paris sont maintenant des cadres supérieurs. Et il faut leur ajouter ceux qu'on appelle les professions libérales : médecins, psychologues, avocats, architectes, comptables, etc...

            En Mai 1968, il y avait 1 800 000 ouvriers à Paris et en région parisienne. La grève générale a ébranlé le régime de De Gaulle et effrayé le monde des dirigeants. En urgence, ils ont recouvert de goudron les pavés de Paris, qui avaient servi à faire des barricades. Puis, Chirac et son adjoint Juppé, ont tout fait pour se débarrasser des ouvriers. En 50 ans, un million, surtout dans l'industrie, ont été renvoyés, à des dizaines de kilomètres de Paris ou en province.

            Des quartiers entiers étaient marqués par la présence ouvrière et populaire. Ce monde-là a été rayé de la carte. 

            Pour y arriver, les grands chefs politiques ont donné de l'argent (des subventions) aux patrons pour déménager leurs usines. Puis la crise des années 1970 les a décidés à mettre leurs capitaux ailleurs que dans l'industrie : dans la publicité, les affaires financières, les maisons de retraite : ce qu'ils appellent les services. A la fin des années 1990, ils ont carrément envoyé des industries en Chine, à l'autre bout du monde, pour profiter des salaires de misère.

            Résultat, depuis 40 ans, une bonne partie de la population ouvrière de la région parisienne a été remplacée par des nouveaux immigrés : d'Afrique, d'Asie, d'Europe de l'Est, des Antilles. Peu qualifiés, sans vraiment de diplômes, ils acceptent des salaires bas et logent dans les grandes cités, maintenant désertées par une partie des travailleurs français.

            Cette nouvelle population ouvrière en banlieue offre à Paris une armée de plongeurs, cuisiniers, serveurs, des manutentionnaires, des petits employés, des vendeurs, des gardiens d'immeubles, vigiles, agents de sécurité, agents de propreté, auxiliaires de vie, gardes d'enfants ou de personnes âgées.

            Car toute une nouvelle population aisée a envahi Paris, et elle profite du travail de la banlieue. Grâce à quoi cette nouvelle population vit bien, et même très bien. Elle a pris les logements des couches populaires renvoyées de Paris. C'est eux qu'on appelle souvent les "bobos" :  ce sont des responsables de banque, des ingénieurs, des managers de haut niveau, des directeurs de communication, des directeurs logistiques : bref, 46% de ceux qui travaillent à Paris sont maintenant des cadres supérieurs. Et il faut leur ajouter ceux qu'on appelle les professions libérales : médecins, psychologues, avocats, architectes, comptables, etc.

            Dans tous les quartiers de Paris, on les voit, le midi ou le soir, occuper les terrasses de milliers de restaurants et de brasseries, pour boire, manger, fumer jusque tard dans la nuit, avec les étudiants et les touristes ; ce que ne pouvaient pas faire les classes populaires.

            En 1995, Juppé a été à Bordeaux, pour faire la même chose qu'à Paris, et une dizaine de grandes villes l'ont copié. Mais Paris domine très largement : le monde des dirigeants de toutes sortes, ceux de la politique, des journaux-télés, des entreprises et des services publics, est là, concentré, à Paris.

            Du coup, le pays est plus morcelé, la société plus divisée : la banlieue aux immigrés plus récents, Paris et une douzaine de villes aux cadres et dirigeants ; les autres, quelque chose comme 30 millions de personnes : dans les petites villes ou les zones de pavillons. C'est là qu'a éclaté la révolte des Gilets Jaunes. Et leur réflexe a été d'aller dans les centre-villes, où vivent tous les dirigeants qui les rejettent, les dominent, les ignorent.

            On croit que notre vie ne dépend que de nous. On s'aperçoit que non : elle est en grande partie décidée... par certains, des gens en chair et en os, juste placés en haut lieu, et par leurs lois de l'argent.

            Un autre fonctionnement serait tout à fait possible. Nous pourrions commencer par interdire aux patrons de délocaliser ou de fermer les entreprises. Il suffirait qu'un comité réunisse employés et ouvriers, et que ce soient eux, à la base, qui suivent les comptes et décident de leur avenir ; au lieu que ce soit le propriétaire, qui le fait selon son intérêt personnel. 

            On peut aussi empêcher les plus riches de s'acheter les logements qu'ils veulent en payant très cher ; ce qui fait augmenter tous les prix, et oblige la population à s'en aller. Un comité des habitants du quartier pourrait décider de fixer les prix des logements, au lieu que seuls les élus s'en occupent ; eux, sont souvent au-dessus de la population, donc proches des milieux favorisés.

            Le pouvoir à ceux d'en bas ! Voilà un avenir, pour arrêter d'abîmer la société, pour contrôler notre vie. 

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