403- Al-Andalus : un moment humain de l'histoire

Un pays tout entier où Chrétiens, Juifs, Musulmans, vivent ensemble, avec tolérance et respect ! Un pays grand comme la France a su ainsi briller pendant trois cents ans ! Cette civilisation a attiré les plus grands savants du monde connu ! Ce n’est pas un rêve, c’est une réalité : c’est le pays d’Al Andalus, du 8ème au 10ème siècle, l’Espagne actuelle...

            Un pays tout entier où Chrétiens, Juifs, Musulmans, vivent ensemble, avec tolérance et respect ! Un pays grand comme la France a su ainsi briller pendant trois cents ans ! Cette civilisation a attiré les plus grands savants du monde connu ! Ce n’est pas un rêve, c’est une réalité : c’est le pays d’Al Andalus, du 8ème au 10ème siècle, l’Espagne actuelle.

            L’on y a vécu paisiblement, fraternellement, pendant une période qui semble immense, aujourd’hui où rien n’est stable. Dans la capitale Cordoue, les rues sont éclairées la nuit, une première mondiale. On marche sur de jolis sols décorés d’arabesques. Dans toutes les villes, on trouve des bains publics avec de l’eau chaude, pour se détendre après une journée de travail.

            Il n’y a pas encore de publicité ou de journaux, mais il y a des poètes, et la population en retient les plus belles phrases. Certains poèmes mélangent l’arabe et la langue des Chrétiens. Dans les jardins, on entend les rossignols et on admire des paons. 

             Chaque communauté a son quartier, qui date de son arrivée, mais toutes les maisons se ressemblent, et on peut aller de l’un à l’autre, sans aucune inquiétude. Des petits groupes de Juifs étaient à Cordoue, Grenade, Tolède, sans doute les plus anciens. Puis se sont ajoutés des peuples devenus chrétiens et venus du Nord de l’Europe (les Wisigoths en 476). Enfin, sont venus du Sud, de l’Afrique du Nord, des peuples de la troisième religion, les Musulmans (en 711). 

            Pas moyen de faire la différence, dans les jeux des enfants, entre qui est juif, arabe, ou chrétien. Lors des fêtes des récoltes, les peuples se mêlent avec joie, mélangent les sons de la guitare, du tambourin, du oud. Le savant juif Ibn Shapur est en même temps diplomate et médecin du calife Abder Rahman trois. De nouvelles villes sont créées, comme Madinat al-Zahra, « ville brillante ». Un tiers de la population chôme vendredi, un tiers samedi, un tiers dimanche. 

            Ces cultures se sont acceptées, au lieu que chacune veuille rejeter les autres. Le résultat est qu’elles se sont toutes enrichies ; chacune a apporté aux autres le meilleur d’elle-même : et c’est une nouvelle culture, respectueuse de celle déjà là, et devenant plus belle, qui a surgi, comme un miracle.

            Bien sûr, il y a eu des jalousies, des rivalités, des crimes même. Il y a eu des violences, lorsque les Arabes sont arrivés et ont dominé, mais elles n’ont pas duré. Ces Arabes ont permis aux autres croyants, chrétiens et juifs, de pratiquer leur religion : ils les ont considérés comme des protégés ; ils ont exigé en échange un impôt. Les riches sont restés riches, et les pauvres sont restés pauvres. Mais les richesses ont été assez réparties, pour que tout le monde ait à manger et puisse se couvrir.

            La société a su garder son originalité : la variété des cultures, l’ouverture aux autres, le refus de laisser la haine gagner. Le monde arabe a apporté sa poésie et son intérêt pour les sciences, le monde juif a développé sa réflexion et la qualité de ses artisans, le monde chrétien ses artistes, son bon sens. Comme l’écrit Le Porrier dans Le Médecin de Cordoue : « Ce fut un mariage d’amour et de raison, qui associait l’âme et la chair, la liberté et le respect d’autrui, les courants de fond et les remous de surface, ce fut le miracle cordouan ».

            Pourquoi ne nous apprend-on pas cette histoire ? sans doute qu’elle ne convient pas à ceux qui nous dirigent, croyants ou non croyants. Mais cette histoire est une partie de la nôtre, nous, les humains. Il y a eu autre chose que les croisades des Chrétiens qui ont massacré les Arabes, les conquêtes militaires des Arabes, l’inquisition des Chrétiens qui brûlait ceux qu’ils estimaient être de mauvais croyants. 

            Il y a eu autre chose que la guerre permanente. Il y a eu une civilisation lumineuse, aussi belle que possible, en plein Moyen Âge. Sont sortis de ce monde les chiffres arabes, les mots algorithme, algèbre. Des dizaines de mots, chimie, magasin, coton, hasard viennent de l’arabe de cette époque.

            On a là de quoi réfléchir. De quoi voir aussi où nous mènent tous ceux qui disent et répètent : « On a l’impression de ne plus être chez nous, il y a trop d’immigrés, il faut qu’on garde notre identité. »

            Au-dessus de nous, des partis se présentent comme les défenseurs d’une culture, et pas des autres. Certains partis se disent plus ouverts. Mais au pouvoir, ni les uns ni les autres ne s’en prennent à la domination actuelle, responsable de nos vies, celle des classes riches. Si une solution, si un avenir humain, existe, c’est d’abord d’en bas qu’il se construira. A chacun de garder, de cultiver au fond de soi, cette idée, cet espoir.

 

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