401- Fin de la vie : c'est à nous de pouvoir en décider

… On se pose des questions si on ne peut plus se déplacer chez soi, et qu’on doive être bloqué dans un lit médicalisé. Que vaut cette vie si, jour après jour, on oblige aides et soignants à passer, et que ça ne va pas mieux. Que vaut cette vie si l’on se sent de plus en plus comme une lourde charge, que la famille doit supporter, semaine après semaine ? Et doit-on continuer à montrer à ses proches une image de soi de plus en plus abimée ?

            Qui peut alors juger ce si votre état est supportable ou s’il vous est devenu insupportable ? Quel sens a la vie si on ne lui en trouve plus ? Voilà la vérité de la vie et de la mort pour des millions de gens…

            Quand on est jeune, on n’y pense pas trop, car on a assez de problèmes et de soucis comme cela. Plus âgé, on y pense, mais on n’ose pas en parler, car personne ne sait trop dans quel état on sera en vieillissant. Mais on a tous été marqués par certaines fins de vie qui, justement, n’en finissent pas, alors qu’elles sont dures, douloureuses. Les images, les paroles de celles ou ceux qui souffrent et ne voient que souffrance devant eux, marquent, et font mal.

            C’est sans doute pourquoi, en France, une très grosse majorité de la population souhaite que la demande de finir sa vie puisse exister. Et c’est pourquoi le gouvernement se sent obligé de changer la loi. Il y a déjà eu des lois sur la fin de vie, mais le problème tient dans les détails.

            En 2005, la loi Leonetti a fait une chose : elle a empêché que les médecins s’acharnent à continuer un traitement quand c’est « déraisonnable ». Sauf que c’est le médecin qui juge ce qui est raisonnable ou pas. Et il restait interdit aux médecins d’apporter une solution pour mettre une fin à la vie de quelqu’un qui subit une situation insupportable.

            Onze ans plus tard, en 2016, la loi Clayes Leonetti a dit qu’un malade peut demander une « sédation », pour en finir avec la vie. Mais il y avait des conditions, qui sont jugées par le médecin : il faut avoir une maladie grave, il faut qu’on ne sache pas la soigner ; il faut que le malade n’ait plus longtemps à vivre ; et il faut que le traitement ne puisse rien contre les douleurs. Si une seule de ces conditions n’est pas remplie, on ne peut rien demander.

            Quant à demander une « sédation », il faut savoir ce que ça veut dire : c’est mourir en étant privé d’alimentation et d’eau, en clair mourir de faim et de soif. C’est l’Association ADMD qui l’explique dans son journal (Association pour le droit de mourir dans la dignité, n° 130, octobre 2014). 

            Huit ans de plus donc, en 2024, une nouvelle loi doit être discutée. Pour la première fois, il est prévu qu’un produit, qui met fin à la vie, peut être proposé, avec plus de douceur que la sédation. Sauf qu’il faut toutes les anciennes conditions : maladie grave, qu’on ne sache pas la soigner, que la fin de vie soit proche ou pas trop lointaine, que la souffrance – physique ou psychologique- soit insupportable. Qui juge de tout ceci ? Le ou les médecins. Pas vous. 

            Si la personne a la chance de voir son cas accepté, elle peut prendre la potion toute seule. Si elle ne peut pas, quelqu’un d’autre, un proche ou un soignant, pourra le faire, en présence d’un médecin. Voilà la loi que Macron appelle « de progrès ».

            Certaines personnes âgées de 80, 90 ans ou plus vivent plutôt bien leur vieillesse. Mais pour beaucoup, la vieillesse est une suite de douleurs. Une arthrose fait souffrir, mais on se tait, pour ne pas alourdir la peine des autres. Les yeux faiblissent, et on ne peut plus lire. Les réflexes manquent et on ne doit plus conduire. Le passé revient dans votre corps avec ce qu’il a subi plus jeune : si vous avez travaillé sur les presses d’une usine automobile, ou porté les personnes âgées dans une maison de retraite.

            On se pose des questions si on ne peut plus se déplacer chez soi, et qu’on doive être bloqué dans un lit médicalisé. Que vaut cette vie si, jour après jour, on oblige aides et soignants à passer, et que ça ne va pas mieux. Que vaut cette vie si l’on se sent de plus en plus comme une lourde charge, que la famille doit supporter, semaine après semaine ? Et doit-on continuer à montrer à ses proches une image de soi de plus en plus abimée ?

            Qui peut alors juger ce si votre état est supportable ou s’il vous est devenu insupportable ? Quel sens a la vie si on ne lui en trouve plus ? Voilà la vérité de la vie et de la mort pour des millions de gens. 

            Ne pas avoir la possibilité de décider, vieux et usé par la vie, de la terminer proprement, que ce soit vis-à-vis de soi-même ou aux yeux de ses proches, c’est un pur scandale. 

            Si le projet de loi ne va pas plus loin, c’est qu’il a contre lui les trois religions, chrétienne, juive, islamique, pour qui la vie est sacrée ; seul Dieu doit y toucher. Les religions veulent contrôler notre vie. Et les médecins veulent contrôler notre corps. Ils sont nombreux à refuser que ce droit nous soit donné. 

            Ils disent craindre que des gens en abusent. Mais il y a des pays qui ont ouvert ce droit : la Suisse en 1999, les Pays-Bas en 2000, la Belgique en 2002, le Luxembourg en 2008. Et les chiffres des personnes qui utilisent ce droit, quelques milliers de personnes par an, montrent que ce n’est pas vrai.

 

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