… C’est comme cela que se sont construits Nestlé, Coca-Cola, MacDonald’s, Danone, Mars, des monstres à l’échelle du monde. Ils ont mis partout des tonnes de sel pour augmenter le goût, et du sucre pour qu’on en redemande. Et tant pis si les caries aux dents, l’obésité, le diabète deviennent des épidémies mondiales. Le diabète touche un demi-milliard de personnes et coûte 750 milliards d’euros par an…
Aux tous débuts de l’humanité, c’est simple, les humains ne mangeaient que des produits naturels crus : des fruits, des plantes, des racines, des petits animaux, des poissons. Difficile de dire si la vie était heureuse ou difficile. Mais ce sont les humains eux-mêmes qui décidaient de ce qu’ils mangeaient.
Il y a 500 000 ans, on a su maîtriser le feu, et on s’est mis aussi à chasser pour de bon. En cuisant les aliments, on a moins besoin de mastiquer, on tue certains parasites et on peut manger des produits qui, sinon, seraient dangereux. Un inconvénient, la cuisson abime les vitamines. Cette nouvelle vie, on sait maintenant qu’elle pouvait être à la fois libre et heureuse. On a connu des groupes humains qui vivaient encore de cette manière. Ils n’avaient besoin que de 3 ou 4 heures de travail par jour pour se nourrir. Et ils pouvaient varier leur alimentation, en se déplaçant régulièrement.
Gros changement, il y a 7000 ans maintenant : certains peuples se sont mis à faire de l’agriculture, à travailler la terre, à élever des animaux. Cela a le gros avantage de pouvoir faire des stocks, et d’ajouter le lait à l’alimentation. Mais les inconvénients sont nombreux : le travail de la terre est dur, très dur. Il y faut beaucoup de monde. Un mauvais temps peut tout abimer. On mange des produits moins variés, car on ne se déplace plus. Les femmes manquent de fer, car la viande domestique a bien moins d’acides gras essentiels que le gibier sauvage. Et des épidémies apparaissent, car on vit de manière plus concentrée. Ces gens se sont retrouvés un peu piégés avec l’agriculture.
La plupart des autres populations n’en ont donc pas voulu. Elles ont préféré garder l’ancien mode de vie, pendant encore des milliers d’années. Mais quelque chose de tout à fait nouveau va les y obliger.
Il y a 5000 ans, pour la première fois, des rois, entourés d’une police, ont réussi à s’installer. Et ils se sont mis à profiter du travail des agriculteurs. Ils les ont obligés à faire des céréales, car c’est le plus facile à leur prendre, en tant qu’impôt : du blé et de l’orge au Moyen Orient, du millet en Chine, du maïs en Amérique, du riz en Asie. Ce sont donc ces nouveaux pouvoirs, et leur Etat, qui décident de ce que doit manger leur population.
De nombreux peuples ont refusé cette domination, et ils se sont réfugiés le plus loin possible. En 1600, à l’époque d’Henri 4, un tiers du globe échappait aux princes et leurs Etats.
Aujourd’hui, ce ne sont plus les Etats qui décident vraiment. Ils sont plutôt au service d’une nouvelle classe qui commande : les capitalistes. Eux, leur calcul est de payer des travailleurs – le moins possible- pour vendre le produit de leur travail, et y gagner le plus possible. Et des capitalistes l’ont donc fait aussi avec l’alimentation. Peu importe si le produit est bon pour la santé, pourvu que ça rapporte.
Le premier qui s’y est lancé, c’est monsieur Kellog, en 1880, un américain. Il a compris qu’en ajoutant du sucre dans des céréales, les gens devenaient accroc, et en rachetaient. Le sucre fonctionne comme une drogue : une fois sur la langue, il envoie une sensation au cerveau, qui réagit en donnant du plaisir, et on en veut encore.
D’autres capitalistes ont compris qu’on pouvait aussi ajouter des produits chimiques pour augmenter le goût des aliments, leur donner une belle couleur, les conserver et les vendre plus longtemps. Ils ont calculé qu’ils gagnaient trois fois plus qu’en vendant les produits sans les transformer.
C’est comme cela que se sont construits Nestlé, Coca-Cola, MacDonald’s, Danone, Mars, des monstres à l’échelle du monde. Ils ont mis partout des tonnes de sel pour augmenter le goût, et du sucre pour qu’on en redemande. Et tant pis si les caries aux dents, l’obésité, le diabète deviennent des épidémies mondiales. Le diabète touche un demi-milliard de personnes et coûte 750 milliards d’euros par an.
Le sucre qu’ils nous ajoutent est différent de celui qu’il y a dans les dattes, les bananes, les pommes de terre ou le riz. Eux contiennent des nutriments dont nous avons un grand besoin pour vivre. Le sucre industriel, lui, n’en a pas.
Si un capitaliste a des scrupules et ne continue pas dans cette façon de faire du fric, les autres vont lui prendre sa place, et même, vont finir par l’avaler. Ils sont donc tous obligés de continuer, avec leur logique qui passe avant la santé des gens.
Un avenir souhaitable, c’est que la population reprenne son pouvoir, et que les entreprises qui nous fabriquent notre nourriture nous appartiennent à tous, collectivement, au lieu que ce soit à ces capitalistes.