… Cela fait des dizaines d’années qu’ici, dans les pays riches, on nous parle du Soudan pour nous dire : guerre, famine, désolation, appels au secours de la population. On ne nous explique pas grand-chose. Ce que l’on comprend, c’est que tout cela vient de l’arriération du pays, des luttes entre tribus, entre ethnies.
C’est vrai et c’est faux. Car il y a aussi de lourdes responsabilités ici, dans les pays riches…
Cela fait des dizaines d’années qu’ici, dans les pays riches, on nous parle du Soudan pour nous dire : guerre, famine, désolation, appels au secours de la population. On ne nous explique pas grand-chose. Ce que l’on comprend, c’est que tout cela vient de l’arriération du pays, des luttes entre tribus, entre ethnies.
C’est vrai et c’est faux. Car il y a aussi de lourdes responsabilités ici, dans les pays riches.
Ce qui est vrai, c’est que lorsque l’Angleterre lui donne son indépendance et arrête d’en faire sa colonie, en 1956, un pays comme le Soudan, est loin d’être vraiment uni. Au contraire, le colonisateur a joué sur les divisions, pour mieux régner. Au Soudan, les Anglais ont pris le parti des Arabes, au Nord, et méprisé les Noirs au Sud. Ils n’ont fait que reprendre un racisme qui existait déjà, mais ils l’ont entretenu, soutenu de leur autorité et de leur prestige.
Quand le Soudan est devenu indépendant, des soldats noirs ont refusé d’obéir aux officiers, tous arabes. Et le Nord a entamé une première guerre contre le Sud. Une guerre terriblement violente, qui a duré 17 ans.
L’accalmie, pour les populations noires du Sud, ne dure qu’un peu plus d’une dizaine d’années. Mais le Sud reste à l’abandon, et la même guerre reprend, pour les mêmes raisons, pour une durée de 22 ans, cette fois, jusque 2005.
Entre temps, arrivent les Américains. Ils ne colonisent pas, ils se contentent d’utiliser leurs dollars, ou d’acheter des dirigeants. Ils soutiennent le régime du Nord qui fait la guerre au Sud, pour éviter qu’il ne soit attiré par l’URSS, leur grand ennemi à l’époque.
Au début des années 1980, on découvre du pétrole au Soudan, et on réalise qu’il se trouve dans le Sud rebelle. Alors les Etats-Unis, sans aucun scrupule, se mettent à soutenir la rébellion du Sud. La France saute sur l’occasion, pour prendre la place laissée vide par les Américains au Nord. Et voilà que Total vient prospecter à la recherche du pétrole, que la France monte des usines d’armement, qu’elle aide le régime à pourchasser les armées rebelles au Sud.
Gros malins, les Américains vont manœuvrer, et réussir, au nom de la liberté, à ce que le Sud se sépare officiellement du Nord, en créant un nouveau pays en 2011, le Soudan du Sud. L’essentiel du pétrole est parti avec.
Indépendant, le Soudan du Sud ? Pas si simple ! Car le régime mis en place donne tout le pouvoir à une seule ethnie, les Dinka, avec qui les Américains ont négocié. Les Nuer, et d’autres, sont totalement écartés. Résultat, une autre guerre éclate dans la foulée de l’indépendance, à l’intérieur du Soudan du Sud. Elle durera 7 ans.
Mais il n’y a pas que le Sud que le régime du Nord a délaissé, il y aussi l’ouest, le Darfour. Lorsqu’il a revendiqué une amélioration de son sort, le Darfour a connu la guerre menée par le Nord, lui aussi, en 2003-2004. Là, on a même parlé de génocide.
Fin 2018, une belle bouffée d’oxygène arrive, et remplace la guerre. Ce sont surtout les Soudanaises, les femmes, qui cette fois se montrent. Elles manifestent contre le régime d’El-Béchir. Depuis trente ans, il impose la charia, une prétendue loi islamiste, une lecture arriérée de certains versets du Coran. Toute femme vue en voiture accompagnée d’un homme qui n’est pas son mari, son père, son fils, est fouettée. Il y en a eu des dizaines de milliers. Cette révolution obtient la chute d’El-Béchir en avril 2019.
Mais l’armée est toujours là. Deux généraux vont finir par rétablir l’ordre des militaires, Al-Bourhan et Hemetti. C’est eux, l’un contre l’autre, qui viennent de lancer une nouvelle guerre au Soudan, en 2023. Seul changement : de plus petites puissances s’ajoutent et copient le jeu des grandes. L’Egypte et l’Arabie saoudite soutiennent Al-Bourhan, Les Emirats aident Hemetti.
Mais n’oublions pas que dans ces guerres, les pays riches sont directement ou indirectement impliqués ; ils ont une responsabilité.