376- Gentillesse : toute une histoire

 ... Les puissants ont dû mettre en place une police pour imposer leur système, une justice, des armées, et des impôts pour payer tout cela. Finie la gentillesse. Ce qu’on nous présente comme le meilleur de la civilisation n’a donc pas été mis là pour élever les sauvages que nous étions. C’est tout un système qui sert, depuis 1000, 2000 ou 3000 ans, pas plus, à nous faire accepter un monde d’inégalités, un monde où la police a le droit d’être violente, où les guerres sont décidées par des dirigeants au service des classes riches, et où les populations doivent accepter et subir...

             Si le monde va mal, on n’y peut pas grand-chose. C’est qu’au fond, l’homme est d’une nature violente, égoïste, méchante. Heureusement, on a su créer une police, une justice, pour limiter les dégâts, apprendre aux humains à être civilisés.

            C’est de cette manière que beaucoup de monde voit les choses. Mais les études sur notre passé, sur notre corps, et sur le monde animal d’où nous venons, tout nous dit autre chose.

            Nous sommes des primates (chimpanzés, singes, gorilles, etc.) Et les primates sont, naturellement, très violents. Un chimpanzé a presque 10 fois plus de chances d’être tué par un autre chimpanzé qu’un lion par un lion, ou un autre mammifère. C’est que chez les primates, on ne supporte quelqu’un que s’il est de la même famille, ou à la rigueur, adopté. Une société où des centaines de chimpanzés croiseraient des centaines de chimpanzés inconnus en faisant des courses dans un centre commercial, c’est complètement impossible ; ce serait un massacre. Le groupe social le plus grand que peuvent connaître les primates, c’est la famille. 

            Alors, comment avons-nous fait, nous, les humains ? Des neurobiologistes, des généticiens, ont cherché une explication. Ils pensent qu’une sélection a eu lieu. Ils ont trouvé que nous avions un gène un peu adouci, le gène BAZ1B, ce qui rétrécit les os du visage, et développe la gentillesse et la sociabilité. Grâce à ce gène, quand nous nous sentons agressés, la réaction du cerveau est moins forte, moins violente, mieux contrôlée.

            Ensuite, au fil des millénaires, ce sont les humains chez qui ce phénomène était apparu, qui se seraient mieux reproduits, qui ont été sélectionnés, naturellement. Car des humains moins agressifs envers d’autres humains, peuvent commencer à collaborer, à former un groupe plus large. En s’acceptant mieux les uns les autres, ils ont certainement développé, amélioré le langage, précisé leurs idées, mieux échangé des connaissances.

            On pense que c’est grâce à cette capacité à vivre en s’acceptant, en construisant une société de plus en plus large et ouverte, que les humains ont survécu. Ils ont réussi à s’adapter à des changements énormes du climat, et à vivre aux quatre coins du globe. On voit donc à quel point on s’est sans doute trompé en voyant nos ancêtres préhistoriques comme des sauvages, toujours prêts à s’entretuer.

Notre corps ne faisait pas le poids face à de nombreux animaux. Mais grâce à la gentillesse entre humains, à nos relations plus fortes, notre intelligence est devenue collective, supérieure. Nous avons appris plus de choses, et à les enseigner à nos enfants. Contrairement aux autres animaux, nos connaissances se développent d’une génération à l’autre. Nous comprenons maintenant notre propre histoire.

            Mais alors, comment se fait-il que, de nos jours, le monde des humains ne soit pas franchement gentil ? Depuis quand, par exemple, est-ce qu’on trouve des traces de guerres ? Il n’y en a pas chez les hommes préhistoriques, rien chez ceux qui peignaient les grottes magnifiques il y a 15 000 à 30 000 ans.

            Des guerres, des violences importantes, des agressions sur une partie entière de la population, cela n’existe que beaucoup plus récemment. Cela commence quand la société se divise, que des riches se retrouvent à posséder la plupart des richesses, parce qu’ils exploitent le travail des autres, qui restent donc dans la pauvreté. C’est le monde que nous connaissons encore aujourd’hui. Il date en gros d’il y a 3000 ans en Europe, de 1500 ans en Afrique.

             Les puissants ont dû mettre en place une police pour imposer leur système, une justice, des armées, et des impôts pour payer tout cela. Finie la gentillesse. Ce qu’on nous présente comme le meilleur de la civilisation n’a donc pas été mis là pour élever les sauvages que nous étions. C’est tout un système qui sert, depuis 1000, 2000 ou 3000 ans, pas plus, à nous faire accepter un monde d’inégalités, un monde où la police a le droit d’être violente, où les guerres sont décidées par des dirigeants au service des classes riches, et où les populations doivent accepter et subir.

            La société de gentillesse n’était sans doute pas idéale, mais la société que nous acceptons maintenant est basée sur l’inégalité forcée, qui est une violence.

            Malgré plusieurs millénaires de cette société violente, les peuples, eux, c’est-à-dire la majorité des humains, ont gardé au fond d’eux-mêmes une seule envie et une même aspiration : la paix, la fraternité des peuples. Autrement dit : un retour à la gentillesse.

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