371- Prix : on ne paye pas notre liberté, on paye le capitalisme

… La concurrence, le système capitaliste l’appelle la liberté : chacun est libre de monter une boîte, de concurrencer les autres et peut rêver devenir Rockefeller ou Elon Musk. Mais cette liberté de faire du fric, ce n’est pas la même liberté que celle dont nous avons besoin, celle de penser, de réfléchir, de se réunir, ou même de voter. Leur liberté donne du pouvoir aux plus riches. La nôtre, il a fallu et il faut toujours lutter pour l’obtenir, la préserver. Donc, non : les sacrifices qu’on nous demande de faire ne sont pas destinés à préserver nos libertés. Ils servent à payer leur guerre…

          On nous l’explique matin, midi et soir : « si les prix augmentent autant, c’est à cause de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. La Russie est une méchante dictature, elle voudrait nous supprimer nos libertés. Voilà pourquoi il faut accepter de faire des sacrifices, si on veut garder la vie libre que nous avons la chance d’avoir ».

          Ce qui est vrai, c’est que cette guerre, c’est la suite d’une concurrence entre l’Europe et la Russie : depuis la fin de l’URSS en 1991, chaque camp a essayé de ramener l’Ukraine avec lui. Avec la guerre, l’un bloque ses capitaux, l’autre son gaz. Et tout devient plus rare, plus cher.

          La guerre vient d’une concurrence. Mais la concurrence, elle, d’où vient-elle ? Dans le monde capitaliste où nous vivons, la règle est qu’une personne, ou un groupe de personnes, peuvent devenir propriétaires de toutes les richesses qu’ils peuvent. Avec une pareille règle, il y a beaucoup de monde qui veut tenter sa chance : c’est la concurrence de chacun contre les autres. Cette concurrence, c’est en fait une guerre économique. Les plus faibles sont, soit exploités, soit avalés par les plus gros.

          La guerre n’est qu’une suite de cette concurrence : au lieu de tenter d’étrangler l’autre avec des prix, des quantités d’objets vendus, on essaie de le tuer avec des fusils et des missiles. La guerre coûte cher, en vies abîmées, en vies supprimées, en comportements inhumains.

La concurrence, nous y sommes habitués. Mais elle nous coûte très cher aussi. On nous dit souvent qu’elle fait baisser les prix, limite les abus. Mais on oublie les gâchis plus essentiels. Les ingénieurs des usines concurrentes travaillent les uns contre les autres, c’est du gâchis. Ensemble, ils trouveraient mieux, plus vite, et seraient alors disponibles pour résoudre d’autres problèmes, dans la santé par exemple. A cette concurrence, s’ajoute celle des publicités, qui sont un autre gâchis, qu’on paye aussi dans nos achats. Et il y a le gâchis des ouvriers et des employés, qui doivent bosser comme des malades, puisqu’il faut tenir contre la concurrence. Et ce gâchis-là se paye sur notre santé.

          La concurrence, le système capitaliste l’appelle la liberté : chacun est libre de monter une boîte, de concurrencer les autres et peut rêver devenir Rockefeller ou Elon Musk. Mais cette liberté de faire du fric, ce n’est pas la même liberté que celle dont nous avons besoin, celle de penser, de réfléchir, de se réunir, ou même de voter. Leur liberté donne du pouvoir aux plus riches. La nôtre, il a fallu et il faut toujours lutter pour l’obtenir, la préserver. Donc, non : les sacrifices qu’on nous demande de faire ne sont pas destinés à préserver nos libertés. Ils servent à payer leur guerre.

          Une économie où ce n’est pas chacun qui fait ce qu’il veut, où il y a un plan d’ensemble, ça existe, mais seulement à l’intérieur d’une grande entreprise. Là, on fait tout pour supprimer les gâchis, chaque progrès trouvé dans un service va profiter aux autres. Mais dès qu’on sort de cette entreprise, elles se font la guerre entre elles, avec des moyens énormes, donc avec des gâchis énormes. Et elles font aussi la guerre aux petits, qu’elles exploitent, ou qu’elles éliminent.

          Enlevons aux capitalistes le fait d’être propriétaires de ces grosses entreprises, et l’on pourra remplacer la concurrence par une coopération, au niveau d’un pays, puis de nombreux pays. Alors, l’humanité pourra oublier cette guerre économique interminable entre capitalistes du monde entier. Elle pourra enfin profiter des progrès considérables accumulés au cours des siècles, au lieu qu’ils servent à faire des profits pour certains. Des partisans d’un tel changement ont calculé que l’on pourrait même diviser le temps de travail par deux, et partager équitablement les fruits de cette nouvelle économie.

            C’est un pas énorme qu’il faudrait faire ? Peut-être. En tout cas, il commence par le fait de savoir ce qu’il faudra faire, si l’on veut un jour sortir de leur monde de fou.

© L'Ouvrier 2024
ON PEUT PHOTOCOPIER, FAIRE CONNAITRE, DIFFUSER L’OUVRIER
(boîtes à lettres, marchés, affichages dans les cités...)