… L’Etat agit avec la population comme si elle était incapable de savoir, ou de comprendre. Il tient à montrer que, lui, il sait tout. Il faut juste lui obéir. Et ça n’a pas beaucoup changé depuis...
Le vaccin est quelque chose de compliqué ; il peut demander des années de mise au point, et le travail de spécialistes ; et sa production coûte cher. C’est la situation de nos jours.
Et pourtant, le premier vaccin, lui, n’a pas été trouvé par des scientifiques, ni produit par une puissante industrie pharmaceutique, et en plus, il ne coûtait rien du tout. Dans les années 1700, une maladie tuait une personne sur trois qu’elle touchait et défigurait les autres. Son nom, la variole. Grâce au vaccin, le virus « variola » a été complètement éliminé sur Terre, depuis 1980.
Eh bien, cette maladie, c’est le peuple, la population, qui a trouvé le moyen de l’arrêter : les petites gens, ceux qui travaillent dur, parce qu’ils travaillent la terre, et les produits de la nature. Dans plusieurs régions du monde, en Europe, mais aussi en Asie, en Afrique, des paysans, et souvent des paysannes, en trayant leur vache, avaient remarqué qu’elles pouvaient avoir le pis un peu abîmé. Et ces femmes étaient alors protégées contre la variole. Le produit de la vache malade les immunisait, les protégeait de la maladie transmise entre les humains.
L’idée est alors venue d’utiliser du pus de ces vaches, et de le faire entrer dans l’organisme des humains, en ouvrant une veine. C’est de cette façon qu’un agriculteur anglais, Binjamin Jesty, a sauvé sa femme et ses deux enfants d’une mort probable, en 1774. Il les avait immunisés.
Les scientifiques, eux, méprisaient complètement tout ce qui pouvait venir du petit peuple. Un médecin, Edward Jenner, rapporta la méthode populaire, pour essayer de l’améliorer : le monde scientifique le rejeta, dégoûté par tout ce qui n’était pas un travail purement intellectuel. Ils ne comprenaient même pas qu’un des leurs puisse prendre la peine d’écouter des fermiers, des fermières, et puisse apprendre d’eux.
En Amérique, c’est un esclave noir venu d’Afrique, Onésime, qui a montré aux Blancs comment faire. Là-bas aussi, il fallut un temps fou pour que le monde des médecins accepte ce qui venait d’un Africain. On s’en servira finalement pour vacciner d’abord les esclaves, histoire de les rendre plus chers, puisque mieux protégés.
En France, on a en tête le nom de Pasteur, et son vaccin contre la rage. Mais ça, c’est en 1885, un siècle après l’anglais Jenner. Contre la variole, l’Etat a lancé une vaccination en 1804.
Quand c’est l’Etat qui mène la danse, la méthode devient cruelle. Comme on avait un problème pour conserver le vaccin, on utilisait le bras d’un enfant déjà vacciné, on l’amenait dans un village, et là on lui ouvrait ses pustules pour tirer du pus frais, qu’on portait sur les autres enfants. En plus, on affichait les noms des enfants morts sur la porte de la mairie, pour rendre coupables les familles qui avaient refusé le vaccin.
L’Etat faisait aussi la censure et la presse ne pouvait pas parler des complications (ulcères, taches sur le visage ou éruptions plus dangereuses). Les risques de la vaccination ne seront reconnus qu’en 1865.
L’Etat agit avec la population comme si elle était incapable de savoir, ou de comprendre. Il tient à montrer que, lui, il sait tout. Il faut juste lui obéir. Et ça n’a pas beaucoup changé depuis.
Les scientifiques aussi, sont restés loin de la population. Ceux qui essayent de nous expliquer clairement les choses, sont rares. On ne nous apprend même pas que, sans les découvertes populaires du passé, celle du vaccin et d’autres encore, on ne serait pas arrivé aux progrès actuels. C’est grâce à ces progrès que l’on vit en moyenne 83 ans en France, au lieu de 25 ans en 1740. Mais ils sont aujourd’hui contrôlés par les grands groupes capitalistes et l’Etat qui les aide. Et ces groupes imposent le secret sur tout ce qu’ils font. Voilà pourquoi la méfiance existe.
Une société vraiment démocratique saurait trouver des solutions pour que la science ne serve plus les profits des groupes privés, mais qu’elle soit au contraire contrôlée et au service de la population.