… La société, dans son ensemble, n’a pas du tout besoin que l’on travaille comme des malades. Avant que soient montées les premières usines, avec des machines à vapeur, il y a moins de 200 ans, il y avait en moyenne un jour sur trois de fête, donc 120 jours par an sans travail, en Europe. Ce sont les propriétaires des premières usines qui vont changer les choses…
En France, on n’arrête pas de nous dire qu’on est le seul pays où l’horaire normal de travail est de 35 heures par semaine. Et on nous répète que si on veut que le pays se porte mieux, il faut qu’on travaille plus.
Mais à côté, en Allemagne, où on nous dit que l’économie va bien et qu’elle devrait être un modèle, il se passe le contraire. Début 2020, 4 millions de travailleurs de la métallurgie, qui étaient déjà à 35 heures par semaine, ont obtenu après une série de grèves, de pouvoir travailler 28 heures par semaine payées 28. Et en même temps, ils ont eu des hausses de salaires de 4,3%.
Alors, faut-il accepter de travailler plus, ou au contraire faut-il penser que la bonne solution est de vouloir que le temps de travail diminue ?
En fait, ça dépend ! Si on se met à la place du patron, la réponse est celle qu’on entend en France. Mais ce n’est pas pour que l’économie du pays se porte mieux qu’ils nous disent qu’il faudrait travailler plus longtemps. Non, c’est pour leur intérêt égoïste et personnel. On s’en rend compte si on regarde un peu derrière nous.
La société, dans son ensemble, n’a pas du tout besoin que l’on travaille comme des malades. Avant que soient montées les premières usines, avec des machines à vapeur, il y a moins de 200 ans, il y avait en moyenne un jour sur trois de fête, donc 120 jours par an sans travail, en Europe. Ce sont les propriétaires des premières usines qui vont changer les choses.
Pour un propriétaire d’usine, ou d’une entreprise, c’est son intérêt que chaque salarié travaille le plus longtemps possible. Plus le salarié travaille, plus il produit et plus le patron en tirera un bénéfice plus grand au final. Même lorsqu’il paye des heures supplémentaires, le patron y est bien plus gagnant que son salarié. Il n’a pas besoin d’embaucher un nouvel employé, pas besoin de le former.
Au début de leur système capitaliste, ils obligeaient à travailler des 50 et 60 heures par semaine. Il a fallu de longues années de luttes ouvrières pour que le temps de travail soit abaissé. Le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord de la France, les ouvriers manifestaient en scandant « C’est les 8 heures qu’il nous faut » (8 heures par jour, donc). On leur a envoyé l’armée qui a fait dix morts, dont deux enfants, et 35 blessés. C’est de cette journée que vient le jour férié du Premier Mai, aujourd’hui, même si on nous en cache la vraie raison.
On pourrait se dire quand même que, peut-être devrait-on travailler plus de nos jours, avec une population plus nombreuse, avec aussi plus de besoins et de choses à produire. Mais on oublie souvent de voir que l’on produit toujours plus vite : aujourd’hui, en une heure de travail, on produit huit fois la valeur que produisait cette heure de travail en 1950 : c’est la productivité qui augmente. Il y a un siècle déjà, un grand économiste, Keynes expliquait que grâce au progrès technique, on pouvait prévoir qu’en 2030 le niveau de vie serait quatre à huit fois plus élevé. Et l’humanité vivrait dans l’abondance, n’ayant plus besoin de travailler que 3 heures par jour.
La productivité augmente, c’est tant mieux. Mais ce sont surtout les propriétaires des entreprises qui en profitent. La richesse du salarié moyen, elle, n’a pas été multipliée par huit depuis 1950. Il y a donc beaucoup plus de richesses qui sont produites. Mais ce n’est pas l’ensemble de la société qui en profite de manière égale. Ce sont les gros propriétaires, les plus riches, qui empochent le plus. En 1950, les propriétaires de capitaux récupéraient 20% de la nouvelle richesse produite dans l’année ; aujourd’hui, ils en prennent 30%. Ceux qui nous demandent de travailler plus, ne font que vouloir que les choses continuent ainsi.
Alors oui, le vrai progrès pour tous, sans erreur possible, il est dans la baisse du temps de travail. C’est seulement par la force qu’on est obligés de travailler autant. Et c’est bien par la lutte qu’on peut obtenir du temps pour nous.