339- Coronavirus : bêtise des riches, faiblesse des pauvres

... La France, l’Europe, les Etats-Unis se sont crus protégés. Ce monde riche a pris l’habitude de ne pas être concerné par les souffrances que subissent les autres régions du monde. Et il a continué à fermer les yeux, alors que le virus était déjà là. Le monde riche a mis du temps pour accepter l’idée qu’il n’est protégé face à un virus, ni par son fric, ni par sa place dans le monde...

             Il s’est passé des choses étranges avec le coronavirus. Parti de Chine, il a commencé par toucher les pays les plus riches. Et il a fait là un nombre de victimes auxquelles personne ne s’attendait dans ces pays-là : près de 30 000 morts en France, 35 000 en Angleterre, 100 000 aux Etats-Unis. Ensuite, il y a eu de grosses différences entre des régions très proches. La France s’est ainsi trouvée coupée en deux, l’Est et le Nord très touchés, mais pas le reste du pays.

            Une explication est sans doute dans ce qui se passe au tout début de l’épidémie. Sans vaccin, sans médicament, la seule chose qui l’arrête ou qui la ralentit, ce sont nos gestes : ne pas toucher l’autre, mettre un masque, isoler les personnes qui ont des symptômes. Or, dans les pays riches, même lorsque les premiers cas de coronavirus se sont produits, personne, pas même les médecins, n’a cru qu’il y aurait vraiment une épidémie.

            La France, l’Europe, les Etats-Unis se sont crus protégés. Ce monde riche a pris l’habitude de ne pas être concerné par les souffrances que subissent les autres régions du monde. Et il a continué à fermer les yeux, alors que le virus était déjà là. Le monde riche a mis du temps pour accepter l’idée qu’il n’est protégé face à un virus, ni par son fric, ni par sa place dans le monde.

            Voilà pourquoi le virus s’est tellement répandu dans les régions où il est arrivé en premier. Et voilà pourquoi, une fois les mesures enfin prises pour tout un pays, les autres régions, du coup protégées, s’en sont finalement bien sorties.

            On a beaucoup craint pour l’Afrique, car on sait bien qu’elle n’a pas les hôpitaux, les équipements, les médecins suffisants. Mais on oublie en même temps qu’en Afrique, c’est en permanence que règnent des épidémies : le paludisme, appelé aussi malaria, fait un demi-million de morts chaque année, la tuberculose, la typhoïde sont là aussi. Et les soignants qui sont sur place, eux, savent très bien qu’il ne faut surtout pas attendre si une nouvelle maladie apparaît. C’est eux qui ont arrêté le terrible virus Ebola, pour lequel il n’y avait, là non plus, ni vaccin, ni médicament. Eux savent que dès les premiers signes, il faut courir plus vite que le virus, mettre ou remettre en place tous les gestes qui le ralentissent. Ils savent l’importance de ces gestes quand, faute de médicament trop chers pour eux, on essaye de sauver, d’aider les gens. L’épidémie, ils ne la regardent pas de haut, comme l’ont fait trop d’occidentaux. Et c’est aussi grâce à cela que, sans respirateurs, sans télémédecine, après 5 mois de pandémie, l’Afrique est peu touchée.

            Il y a 150 ans, les pays aujourd’hui riches se mettaient à coloniser l’Afrique, l’Asie. La France, l’Angleterre, les Etats-Unis, ont même obligé la Chine à consommer de la drogue, pour y affaiblir le pouvoir et exploiter ensuite les populations. On a appelé cela les guerres de l’opium. Ce passé, on n’en parle plus en Europe. Mais il a laissé des traces dans les têtes : un vieux sentiment de supériorité, hérité de ce passé. Et face au coronavirus, l’idée de devoir faire comme les Chinois a été difficile à accepter par les responsables. Ils ont passé un temps précieux à dénigrer le régime, mais sans agir.

            Les pays riches ont fini par croire que la maladie n’était plus à craindre chez eux. Ils se sont trompés. Même s’il touche plus les quartiers les plus pauvres, le virus n’a pas épargné de hauts dirigeants. La réalité est que la vie humaine, la vie de tous les humains, est fragile.

            Que va faire le monde riche après le coronavirus ? Il pourrait décider que l’humanité est la même sur Terre, et que la meilleure protection serait de distribuer tous les moyens nécessaires, en équipements, en médicaments, en personnels, partout où vivent les humains. Mais il risque fort de continuer à rester égoïste, et de ne se soucier de renforcer les hôpitaux que chez lui.

            Cette attitude pourrait faire croire à la population des pays riches qu’on lui offre une meilleure protection. Mais elle serait illusoire, aussi illusoire que de ne pas avoir voulu voir le virus arriver.

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