... Des défaites du monde ouvrier, on en voit se répéter régulièrement, au fil des années. On a tous été marqués par ces images d'hommes abattus, de femmes au bord des larmes, désespérés en apprenant leur licenciement, disant qu'ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivait, eux qui avaient tout donné pour leur boîte depuis des années. Les travailleurs ont connu d'autres périodes, où, même dans la pire des défaites, un espoir leur réchauffait le cœur...
Des défaites du monde ouvrier, on en voit se répéter régulièrement, au fil des années. On a tous été marqués par ces images d'hommes abattus, de femmes au bord des larmes, désespérés en apprenant leur licenciement, disant qu'ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivait, eux qui avaient tout donné pour leur boîte depuis des années.
Lorsqu'on perd un être cher, la vie continue, à condition qu'on puisse lui donner un sens. Mais quand soudain on perd son emploi, quand une lutte est perdue, pourquoi ne comprend-on pas ? Et pourquoi ne voit-on aucun espoir ?
Les travailleurs ont connu d'autres périodes, où, même dans la pire des défaites, un espoir leur réchauffait le cœur. Une belle idée existait, qui empêchait de tomber trop bas. C'est que chaque révolte, chaque résistance, chaque lutte, ne servait pas seulement à défendre sa condition de vie. Chaque lutte était d'abord la preuve que l'on peut réagir, malgré la toute-puissance de ceux qui nous commandent, qui nous exploitent. Et chaque lutte était un maillon de toutes nos luttes pour se rejoindre et aboutir à un changement complet : le changement qui en finirait avec l'exploitation elle-même, avec le règne des patrons, des riches et des puissants. On instaurerait la République "sociale", menée par les travailleurs, et on en finirait même avec la nécessité de lutter.
Cet espoir, s'il existait, c'est que des femmes et des hommes l'avaient créé, l'avaient répandu. Il y a un siècle, il était devenu une force, car des millions de travailleurs le partageaient, dans toute l'Europe. Et le monde des capitalistes avait même failli s'effondrer.
Cet espoir, ni les syndicats, ni les partis n'en parlent aujourd'hui. Lorsqu'une entreprise est menacée de fermeture, ils rentrent au contraire dans la logique des patrons. Ils dénoncent ce qu'ils appellent un patron voyou, au lieu de dénoncer tout le système capitaliste qui les oblige tous à se comporter en voyous, puisque c'est leur règle, c'est la concurrence de tous contre tous.
Ils cherchent à montrer que l'entreprise est rentable. Mais si ça marche, cela nous oblige à bosser toujours plus dur, pour moins cher, ou plus longtemps. Et si ça ne marche pas, ça laisse entendre qu'on n'avait pas assez trimé, que la lutte ne sert à rien, qu'il vaut mieux baisser la tête... jusqu'au moment où une nouvelle attaque nous tombe dessus, et on ne comprend pas !
Dans le monde capitaliste, l'annonce d'une vague de licenciements, cela attire ceux qui peuvent acheter des actions. En les achetant, ils font monter le prix de ces actions, ce qui rend plus riches ceux qui en ont déjà. Pour les actionnaires, licencier, ça peut être une bonne affaire ; ils s'enrichissent en supprimant notre travail, à nous qui en avons besoin.
Il y a aussi le jeu que jouent l'Etat, les gouvernants, et avec eux les syndicats. Les ministres et jusqu'au président de la République lui-même s'amusent à jouer au père Noël : “on va vous retrouver du travail, on va relancer votre entreprise !”.
Non, l'Etat n'est pas du tout fait pour nous venir en aide. Il est une grande machine fabriquée par les plus riches, qui s'est perfectionnée depuis des siècles. S'il fait des gestes envers les petits, c'est qu'il a appris que c'est un bon moyen pour nous calmer, nous tromper.
Comprendre ce qui peut nous arriver à tous, c'est essentiel. Réfléchir à un fonctionnement différent, c'est déjà faire vivre en nous un début de liberté, d'émancipation. Car un autre fonctionnement peut exister, et c'est par là que peut se trouver un espoir pour le monde du travail. Le droit à un travail pour tous, c'est ce qu'une société digne de ce nom devrait à ses membres. Et pas à une partie seulement.
Il n'y a pas de bon patron capitaliste, il n'y a pas d'Etat neutre. Le monde du travail ne peut compter que sur lui-même. S'il y travaille avec abnégation, avec persévérance, il peut construire un espoir véritable.