424- L'argent, les choses et la richesse

            ... La vraie richesse, pour les humains, elle est dans les rapports que l'on a avec d'autres humains. Mais au travail, tout est fait pour qu'on n'ait pas de bons rapports entre nous ; et en dehors du travail, c'est vers les choses qu'on nous attire. Des relations d'amitié, d'entente, de sympathie, d'amour, de camaraderie, ou d'estime, voilà ce qui peut nous enrichir pleinement, durablement. Voilà ce qui donne du sens à ce que nous faisons et à ce que nous sommes. Nous avons tous besoin que d'autres nous estiment... 

            Un poisson qui vit dans l'eau ne réfléchit pas à ce que c'est que l'eau. Il la trouve naturelle, et n'y fait même pas attention. Nous, humains, nous vivons dans le capitalisme, et nous le trouvons naturel aussi. Mais il y a une grosse différence : l'eau est vraiment naturelle, et la vie sur Terre s'est faite avec. Le capitalisme, lui, est une fabrication des humains, il n'a rien de naturel. Et c'est peut-être pour cela que nous n'y vivons pas aussi bien qu'un poisson dans l'eau.

            Il n'est pas très difficile de comprendre ce qui va ou ne va pas dans le capitalisme. Le capitalisme a d'abord un besoin vital : c'est de nous vendre des choses. De nous vendre quoi ? n'importe quoi, mais il lui faut Vendre. Pour s'enrichir, ceux qui profitent le plus ont absolument besoin que des choses soient vendues. Quand nous achetons quelque chose, nous donnons de l'argent, et cet argent va remonter : il passe d'abord par le commerçant, ensuite chez un grossiste, et il finit par arriver au propriétaire de l'usine, des capitaux, le capitaliste. Si les choses ne sont pas vendues, l'argent ne lui remonte plus.

            Un petit détail : ce n'est pas celui qui fabrique ou qui travaille pour faire les choses qui décide combien il va avoir comme salaire. Il n'y en a qu'un qui le décide, c'est celui qui est tout en haut, le capitaliste, le patron. Pas étonnant que ça finisse par faire des inégalités énormes entre les uns et les autres.

            Que les choses fabriquées soient vraiment utiles ou pas, ce n'est pas ce qui compte. Qu'elles soient dangereuses ou mauvaises pour la santé, ça ne compte pas non plus. La seule chose qui compte est que nous achetions. Et pour nous donner envie d'acheter, une industrie existe partout : la publicité. 

            Au travail, nous sommes là pour produire les choses qui doivent donc être vendues. Ou pour aider à leur fabrication. On n'est pas là pour s'épanouir au travail. Oh, une petite partie des gens ont cette chance : certains artistes, des artisans aussi, des chercheurs ou des ingénieurs, -pas tous- se sentent vraiment bien dans leur travail, heureux de faire quelque chose de neuf, de différent, de personnel.

            Mais pour la plupart d'entre nous, non seulement ce n'est pas le cas, mais il est interdit de faire quoi que ce soit de personnel au travail. Nous n'avons aucune liberté. Pour espérer vendre beaucoup, il faut vendre moins cher. Il faut donc nous faire produire beaucoup, dans le moins de temps possible. C'est pour cela qu'on subit la pression, que le travail est découpé en petits gestes qui n'ont plus de sens. C'est pour cela que le capitalisme a séparé le travail manuel, où il y a zéro réflexion, du travail intellectuel, où il y a zéro utilisation des mains. Ils nous séparent entre nous, alors que nous devrions être camarades de travail. 

            Le capitalisme sait très bien que nous avons besoin d'autre chose, que nous pouvons réfléchir, que nous aimons même apporter une touche personnelle. Mais le capitalisme est très malin. Cette liberté, cette envie de dire notre personnalité, il la met dans les choses qu'il nous vend, avec de la publicité. Il nous présente 50 sortes de pots de yaourts, pour que chacun y trouve le sien, différent des autres.

            Donc, on s'abrutit au travail. Et pour nous consoler, on nous propose d'acheter des objets, qui nous rendent heureux... le temps qu'on les achète. Et on est heureux de quoi ? On éprouve une satisfaction quand on achète quelque chose, mais ça ne dure pas. Et ça aussi, cela arrange le capitaliste : puisqu'on a besoin de recommencer. Comme pour une drogue. 

            A force de ne vivre que dans ces choses, qu'on nous présente comme la richesse, certains se sont mis à y croire. Au point de flamber, et de vivre dans la frime. Une richesse de pacotille.

            La vraie richesse, pour les humains, elle est dans les rapports que l'on a avec d'autres humains. Mais au travail, tout est fait pour qu'on n'ait pas de bons rapports entre nous ; et en dehors du travail, c'est vers les choses qu'on nous attire. Des relations d'amitié, d'entente, de sympathie, d'amour, de camaraderie, ou d'estime, voilà ce qui peut nous enrichir pleinement, durablement. Voilà ce qui donne du sens à ce que nous faisons et à ce que nous sommes. Nous avons tous besoin que d'autres nous estiment. 

            Le capitalisme est très fort pour faire des choses. Mais il ne fait que cela. Sa règle d'or est de vendre, d'enrichir les mêmes, et donc, d'aggraver les inégalités et les problèmes qu'elles entrainent. Rêvons d'un autre monde ! Un monde où tous peuvent s'épanouir au travail, où l'on puisse multiplier sans crainte des liens humains chaleureux, où l'on a du temps pour cela. Non seulement, on aura moins besoin des choses, mais on sera heureux de se les partager.

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