... Des pays riches qui font la guerre à des pays pauvres bien plus faibles qu'eux, des pays pauvres endettés envers les pays riches, des pays riches qui s'entraident pour empêcher les pays pauvres de se développer, de l'argent des pays riches qui sert à acheter les dirigeants des pays pauvres, tous cela existe aux quatre coins du monde.
La misère n'a rien, vraiment rien de naturel. Il suffirait de peu de chose pour lutter contre cette misère. Mais c'est tout le système du capitalisme mondial qui profite du travail, des matières premières de ces pays, qui entretient cette misère...
Cela paraît presque normal : il y a les pays riches et il y a les autres. Les autres, on nous les montre dans un état misérable qui serait dû à la nature, ou pire, à la nature des habitants : on les voit désespérés par un tremblement de terre, semblant incapables de s'organiser, sans un système de santé suffisant, etc.
C'est ce que disent les soi-disant informations qu'on nous donne, dans les pays riches. Mais l'exemple d'Haïti, l'un des pays les plus pauvres du monde, nous montre que la réalité est une autre histoire.
C'est Christophe Colomb, envoyé par l'Espagne pour trouver une nouvelle route de commerce vers les Indes, qui tombe sur les Amériques en 1492, et dépose une première petite colonie dans l'actuelle Haïti.
Puis la France reprend l'ïle, en fait Saint Domingue, vers 1700. En un siècle, la France va importer, rien que dans cette île, 450 000 esclaves, qu'elle amène d'Afrique noire dans des conditions atroces. Et l'île devient très profitable, plus encore que la Réunion et la Martinique
Les aristocrates français et européens se gavent du sucre et du café que produisent les esclaves. Le travail est terrible, et il faut importer 40 000 esclaves par an, pour remplacer les morts.
En 1789, la Révolution française proclame la liberté et l'égalité pour tous. Au nom de cette égalité, l'île s'insurge. Les esclaves prennent le contrôle des plantations ; les propriétaires s'enfuient. En 1793, Paris reconnaît que les esclaves sont libres. La première assemblée nationale, appelée la Convention, met en place la République ; en 1794, elle décide que les esclaves des autres colonies sont libres aussi.
Mais la révolution subit des contre-attaques. Et c'est Napoléon qui va vraiment l'arrêter. Les propriétaires d'esclaves lui demandent de remettre l'esclavage, ce qu'il fait en 1802. Mais Haïti va faire quelque chose d'incroyable. L'île se soulève contre les armées, mille fois plus puissantes, de la France, et elle proclame l'indépendance en 1804. C'est la première colonie de l'Europe qui obtient son indépendance.
Cette victoire d'esclaves, France, Espagne, Grande-Bretagne, les empires de l'époque la détestent. Ils vont isoler l'île, pour l'étouffer, et qu'elle se rende à la France. Mais ils n'y arrivent pas.
Au bout de 20 ans, le 17 avril 1825, Haïti voit arriver devant ses côtes 14 vaisseaux de guerre armés de 500 canons, envoyés par la France. Paris arrête de vouloir reprendre l'île, mais l'oblige à lui payer une somme astronomique : 150 millions de francs or, 40 milliards d'euros. Pour quel motif ? pour rembourser les propriétaires qui ont perdu leurs esclaves ! En clair, la victime doit rembourser son bourreau !
Comme Haïti n'a pas une somme pareille, elle doit emprunter... à des banques françaises. Qui vont toucher des intérêts. Haïti va payer, année après année, jusque 1915. Là, ce sont les Etats-Unis qui occupent l'île. Eux non plus n'aiment pas que des esclaves se libèrent. Ils récupèrent le paiement de la dette. Elle ne finira d'être remboursée que vers 1950.
On imagine à quel point un étranglement pareil va être une catastrophe. L'Etat ne peut mettre aucun service public, il est mal vu par la population. Il est facile pour des profiteurs d'acheter les politiciens. L'histoire d'Haïti va être faite de corruption, de coups d'Etat, d'intervention des Etats-Unis. Pour se faire élire, ou garder le pouvoir, des politiciens embau-chent des bandits. Aujourd'hui, des gangs armés font la loi dans la capitale Port-aux-Princes, et rendent la vie impossible à la population.
Des pays riches qui font la guerre à des pays pauvres bien plus faibles qu'eux, des pays pauvres endettés envers les pays riches, des pays riches qui s'entraident pour empêcher les pays pauvres de se développer, de l'argent des pays riches qui sert à acheter les dirigeants des pays pauvres, tous cela existe aux quatre coins du monde.
La misère n'a rien, vraiment rien de naturel. Il suffirait de peu de chose pour lutter contre cette misère. Mais c'est tout le système du capitalisme mondial qui profite du travail, des matières premières de ces pays, qui entretient cette misère.
C'est aussi sur le dos de ces populations que le capitalisme nous fait vivre plutôt bien dans les pays riches, en comparaison. En nous présentant leur misère comme naturelle, il cherche à faire que nous acceptions que ce système continue...
Il est important de le comprendre. Il est important d'être du côté de ceux qui luttent contre cette misère, et contre le système qui la crée et l'entretient. Nous devrions même, dans les pays riches, être prêts à rendre un peu de ce dont nous profitons.