387- Révolte des jeunes, les quartiers

... Oui, il serait plus humain de pouvoir vivre sans ce qui devient une ségrégation. Mais après cinquante ans d’efforts, on voit que le système n’y arrive pas : les lois du capitalisme font que les riches attirent d’autres riches, du fait du prix des logements. Et la mentalité, qui vient de la division de la société par niveaux de richesse, crée un mépris pour ceux qui sont en-dessous...

            Les révoltes des jeunes des quartiers défavorisés et des banlieues surprennent les responsables, les politiques. « Quoi ! Comment ? L’Etat verse des milliards pour ces quartiers, et ces jeunes cassent tout ! Ce sont des voyous ! »

            Des voyous, prêts à en profiter pour piller certains magasins, il y en a. Mais il y a une chose que ces messieurs les commentateurs ne comprennent pas. Et on va le leur expliquer.

            Oui, il y a une politique de l’Etat, depuis près de 50 ans, pour ces quartiers. Cela concerne actuellement entre 5 et 6 millions d’habitants. L’Etat veut deux choses : améliorer les immeubles, faire que l’on voie moins de bâtiments abimés, en mauvais état ; et en même temps éviter que les pauvres se retrouvent trop enfermés entre eux. L’Etat appelle ça « la politique de la ville ».  Chaque année, on détruit une partie des vieux logements sociaux, on rénove des écoles.

            Nos gouvernants voudraient que des bâtiments rénovés attirent des familles nouvelles, des gens qui ont plus de moyens. Mais ça ne marche pas. Ceux qui ont les moyens fuient au contraire les quartiers, parce qu’ils ont mauvaise réputation, parce qu’il y a peu de services publics, etc. Ailleurs, dans les villes qui ne sont pas touchées par la pauvreté, les maires refusent de construire des logements sociaux ; ils préfèrent payer une amende que de laisser venir une population moins riche. Ils veulent garder pour les élections les voix de ceux qui ont plus de moyens, et qui veulent vivre en privilégiés.

            L’Etat essaie aussi de mélanger, dans les écoles, les enfants des familles dans la pauvreté avec quelques autres. Dans certains cas, il a diminué le nombre d’élèves par classe. Mais il continue d’envoyer dans les quartiers des professeurs débutants, sans expérience. Et les familles les plus aisées préfèrent mettre leurs enfants ailleurs, quitte à aller à l’école privée.

            Le demi-milliard que met l’Etat chaque année pour toute cette politique ne change rien : les pauvres se retrouvent, encore et toujours, entre eux. Des gens de gauche, bien intentionnés, disent qu’il est anormal de vivre ainsi, séparé ment, qu’il faudrait un minimum de mélange, que cela irait mieux pour tout le monde. Ils appellent ça la mixité sociale.

            Oui, il serait plus humain de pouvoir vivre sans ce qui devient une ségrégation. Mais après cinquante ans d’efforts, on voit que le système n’y arrive pas : les lois du capitalisme font que les riches attirent d’autres riches, du fait du prix des logements. Et la mentalité, qui vient de la division de la société par niveaux de richesse, crée un mépris pour ceux qui sont en-dessous.

            La pauvreté ne provient ni de l’école ni du logement. Elle est fabriquée ailleurs, dans un endroit dont on ne parle pas, et qu’on ne touche pas : au travail. Une partie du monde du travail est littéralement exploitée. Les travaux les plus durs sont les plus mal payés. Et c’est cette exploitation qui crée des super richesses aux sommets du système. C’est dans le monde du travail que se créent la pauvreté des ouvriers, des employés, l’exclusion que ressentent les chômeurs, et la richesse des propriétaires des entreprises.

            L’Etat ne touche pas à la pauvreté, il essaie juste de la rendre supportable : avec des rénova-tions d’immeubles, qui ne changent pas la place qu’on a dans la société ; ou avec des aides sociales, dont on ne devrait pas avoir besoin. En ne touchant qu’aux bâtiments, au logement, à l’école, il protège ceux qui dirigent le monde injuste du travail, leur système d’inégalité : il n’est qu’à voir les salaires payés, mois après mois.

            Le capitalisme est construit sur une idée d’inégalité. D’un côté, des riches ne savent plus quoi faire de leur richesse. D’un autre côté, la rage et la colère s’accumulent chez ceux qui ne voient pas d’avenir. Mieux que la mixité sociale, c’est l’idée d’une autre société, d’une société d’égalité, qu’il faut défendre. Seule une telle idée donnerait du moral à ceux qui se sentent aujourd’hui abandonnés.

 

 

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