380- Derrière le mépris de Macron : toute une classe sociale

… C’est un monde dont nous n’entendons parler que lorsqu’il y a une crise : les fonds de pension, les grandes banques, les grosses assurances, mais aussi des personnes seules, qui se trouvent posséder un certain capital. Ce monde-là est plus que discret ; mais il jubile, il félicite, il applaudit à l’attitude de Macron de ne pas céder aux manifestants. Car il y va de son argent !...

            Un homme seul ? qui, du haut de son poste de président, méprise des millions de manifestants, qui regarde de haut la grosse majorité des Français qui disent ne pas vouloir de sa retraite à 64 ans.

            Il est têtu, il n’écoute pas le peuple, il est arrogant ! Oui, mais s’il tient droit dans ses bottes après 9 grandes journées de manifestations, c’est pour une autre raison. Macron tient aussi et surtout parce qu’il n’est pas seul. Il dispose de deux soutiens de poids. L’un fait semblant d’être neutre, et l’autre a une longue habitude à rester très discret.

            Le premier de ces soutiens, c’est tout l’appareil d’Etat. C’est toute une machine de plusieurs centaines de milliers de personnes, dirigée par des milliers de hauts fonctionnaires : cela va de l’administration des finances à la police, des dirigeants de l’éducation nationale à l’armée. C’est une immense machine composée de professionnels qui obéissent à une seule et unique manière de faire et de voir : faire vivre la société française telle qu’elle est, avec ses riches et ses pauvres, et faire en sorte qu’elle se reproduise, de génération en génération.

            De temps à autre, cette machine se montre capable d’un changement, une amélioration pour les agriculteurs ou pour les commerçants. Mais sur le fond, ce sont des retouches qui évitent de remettre en cause le fonctionnement essentiel. Et l’essentiel, c’est que l’immense majorité de la population n’ait d’autre choix que d’aller se mettre au service d’autres : de ceux qui disposent de capitaux. Ceux-là peuvent faire de nous des salariés. Et comme ils sont propriétaires de l’entreprise, ils fixent le prix auquel nous sommes payés.

            Dit autrement, une richesse est créée par le monde des travailleurs, mais c’est le monde du capital qui décide, seul, du partage de cette richesse. Le monde du travail ne peut que manifester, faire grève, ou accepter. Depuis tout petit, toute la machine de l’Etat nous met dans la tête que c’est normal.

            Macron, Hollande ou Sarkozy président, peu importe : la machine de l’Etat veille pour que ce fonctionnement soit respecté, et que les décisions ail- lent dans son sens. Si par hasard, quelque chose va en sens contraire, la machine le bloque, le freine, va tout faire pour le digérer, et s’il faut, changer la loi. 

            Une partie de cette machine est faite de journalistes, de politiciens. Leur travail aujourd’hui, est de nous cacher le deuxième grand soutien de Macron. Et ce soutien, il est fait, justement, d’une partie du monde des propriétaires de capitaux. C’est un monde dont nous n’entendons parler que lorsqu’il y a une crise : les fonds de pension, les grandes banques, les grosses assurances, mais aussi des personnes seules, qui se trouvent posséder un certain capital.

            Ce monde-là est plus que discret ; mais il jubile, il félicite, il applaudit à l’attitude de Macron de ne pas céder aux manifestants. Car il y va de son argent ! Chaque semaine, l’Etat français, dont on sait tous qu’il est endetté, vend ce qu’il appelle des obligations. Si vous en achetez pour mille euros aujourd’hui, l’Etat devra vous rembourser mille cent euros au bout d’un certain temps. Sans travailler, sans rien faire ! Voilà le principe. Une belle affaire, donc, pour ceux qui ont les moyens d’en acheter pour un million, dix millions… Pour pouvoir rembourser ses anciennes obligations, en temps normal, l’Etat se contente d’en vendre de nouvelles, de s’endetter à nouveau. Cela nous paraît fou, à nous qui ne sommes pas de ce monde capitaliste, mais pour eux, c’est devenu habituel, normal. 

            Seulement voilà. Ces dernières années, après la crise financière de 2008, puis le Covid, puis l’inflation, l’Etat en a vraiment vendu beaucoup, beaucoup, de ces obligations. A tel point que certains de ces capitalistes peuvent s’inquiéter : l’Etat aura-t-il le moyen de leur payer ce qu’il leur doit ? Et si demain, des capitalistes n’avaient plus confiance, et arrêtaient de lui acheter de nouvelles obligations ?

            C’est là qu’arrive la réforme des retraites : si l’Etat se montre capable de la faire passer, malgré les oppositions de la population, cela va rassurer nos petits et grands capitalistes. Et ils vont continuer à jouer leur jeu de fou, et surtout à s’enrichir, en endettant l’Etat. Si l’Etat, avec sa machine, tient tête aujourd’hui à la population il saura demain lui prendre de l’argent s’il le faut, pour rembourser sa dette.

            Voilà le raisonnement de ces capitalistes. Voilà à qui Macron s’adresse en réalité quand il fait sa réforme. Voilà qui il rassure et au service de qui il agit quand il nous méprise. L’intérêt des capitalistes est sacré dans un monde capitaliste.

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