372- Grande distribution : Les nouveaux amis du peuple ?

... Entre l’image que veulent nous donner les grands groupes de la distribution, et la réalité, il y a un gouffre. Et ce gouffre, ils le payent cher. Il y a leurs publicités, qu’on voit partout. Mais on ne voit pas tout. Carrefour, par exemple, dépense 200 000 euros par an pour que des hommes à lui défendent ses intérêts auprès des députés, des sénateurs, de l’Assemblée Nationale. S’y ajoutent 300 000 euros pour d’autres lobbys en France, et 400 000 encore auprès des membres de la Commission européenne. Ils surveillent tout ce que veulent décider ceux qui font les lois, les règlements. Et c’est comme cela que, depuis des années, ils empêchent que les consommateurs comprennent facilement le contenu des produits, ou que des lois défendent vraiment les petits agriculteurs, à qui la grande distribution achète les produits le moins cher possible…

            Carrefour, Leclerc, Intermarché nous le disent matin, midi et soir : ils font tout pour nous aider à vivre. Ils n’arrêtent pas de baisser les prix, de choisir ce qu’il y a de meilleur pour nous. Et ils font vivre plein de petits, des agriculteurs, des artisans.

            L’actualité devient inquiétante ? des produits dangereux ont été vendus, d’autres se mettent à manquer, les prix qui montent… Tout est bon pour que des patrons de la grande distribution viennent à la télé, nous dire de ne pas nous inquiéter. Ils nous connaissent bien, puisqu’on est chez eux tout le temps. Ils savent donc ce qu’il faut faire, ils répondent à nos craintes. Ils sont là pour défendre le consommateur. Ils sont du côté du peuple. Mieux même, que les ministres.

            Ce qui est désolant, c’est que personne ne répond à cette propagande, car tout ceci n’est que mensonge. Ces gros de la distribution ne sont pas seulement gros, ce sont des monstres. En 1970, ils avaient 2000 super et hypermarchés en France. Ils en ont aujourd’hui 12 000. Au passage, ils ont tué des dizaines de milliers de petits commerces. La mort de nombreux petits villages, où le centre est fait d’anciennes boutiques ruinées, abandonnées, c’est eux.

            L’emploi ? Oui, ils ont forcément embauché, pour grossir, dans chaque région de France, et dans le monde entier. Intermarché fait travailler 150 000 salariés. Carrefour a 12 000 magasins dans 30 pays. Mais une fois bien installés, ils cherchent tous à diminuer les effectifs : le même Carrefour a supprimé 20 000 emplois entre 2018 et 2022. Les emplois des petits commerces ont été remplacés par des caissières, des manutentionnaires, qui travaillent dur, avec de grandes coupures dans la journée, obligés d’accepter du temps partiel et un salaire amputé.

            Le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, touche chaque jour autant qu’il paye à un salarié en un an. En 2018, il s’est augmenté sa paye, la faisant passer de 5,7 millions d’euros par an à 7,3 millions. Et il n’est pas seul. Chaque année, le groupe Carrefour distribue aux actionnaires 350 millions d’euros : de l’argent produit par le travail abrutissant de milliers de petits employés, de l’argent que ces actionnaires touchent sans rien faire, juste parce qu’ils sont riches et ont pu s’acheter des actions.

            On voit et on entend souvent, à la télé, à la radio, Michel Edouard Leclerc. Il nous la joue chaque fois grand défenseur du peuple. Mais avec ses employés, c’est une autre histoire. Les pressions, le mépris, le harcèlement, l’intimidation, le flicage, sont la règle dans de nombreux magasins, même s’il y a des exceptions. Des employés ont raconté au journal Le Monde que leur chef leur dit « je vais vous coller aux couilles ». Un commercial a vu des magasins où des salariés ont 35 heures marquées sur leur fiche de présence, alors qu’ils en font 60. Ailleurs, « on nous (…) fait sauter les trois minutes de pause par heure ». Un employé s’est suicidé dans l’hypermarché Leclerc de Vandœuvre-les-Nancy ; il avait 17 ans d’ancienneté. Michel Edouard Leclerc, lui, a une fortune personnelle de 2 milliards d’euros.

            Après le logement, nos courses prennent le plus gros de nos salaires. En ville, les gens des milieux plus aisés vont plutôt chez Monoprix, ou Biocoop. Les plus modestes, qui sont aussi les plus nombreux, n’ont pas le choix. Ils vont chez Carrefour, Leclerc, Lidl, Intermarché. C’est leur argent qui les enrichit.

            Entre l’image que veulent nous donner les grands groupes de la distribution, et la réalité, il y a un gouffre. Et ce gouffre, ils le payent cher. Il y a leurs publicités, qu’on voit partout. Mais on ne voit pas tout. Carrefour, par exemple, dépense 200 000 euros par an pour que des hommes à lui défendent ses intérêts auprès des députés, des sénateurs, de l’Assemblée Nationale. S’y ajoutent 300 000 euros pour d’autres lobbys en France, et 400 000 encore auprès des membres de la Commission européenne. Ils surveillent tout ce que veulent décider ceux qui font les lois, les règlements. Et c’est comme cela que, depuis des années, ils empêchent que les consommateurs comprennent facilement le contenu des produits, ou que des lois défendent vraiment les petits agriculteurs, à qui la grande distribution achète les produits le moins cher possible.

            Les grands groupes capitalistes ne veulent plus seulement dominer le monde, avec leur puissance financière énorme. Ils veulent aussi dominer notre esprit, nous mettre dans le crâne une manière de voir et de rêver qui leur convient. Il n’y a pas que le prix et la qualité à surveiller. Ne nous laissons pas avoir… là-dessus au moins !

© L'Ouvrier 2024
ON PEUT PHOTOCOPIER, FAIRE CONNAITRE, DIFFUSER L’OUVRIER
(boîtes à lettres, marchés, affichages dans les cités...)