356- Une vie sans inégalités : les hommes l'ont déjà fait

             … A l’école, on nous a expliqué que les premières villes de l’histoire, comme Uruk (dans l’actuel Irak) il y a 5500 ans, n’ont pu exister que parce qu’on a accepté qu’il y ait des rois. Les rois se sont entourés d’une police pour se faire obéir, ils ont prélevé des impôts pour la payer et pour mettre en place des ouvrages collectifs. Les plus grands professeurs croient sincèrement à tout cela, aujourd’hui encore : pas de civilisation possible, comme l’Egypte, sans pharaons en chef, sans hiérarchie, sans inégalités.

            Seuls, quelques chercheurs qui ont vécu avec des peuples qu’on disait primitifs, comme les Bushmen au sud de l’Afrique, osaient dire autre chose. Ces peuples, qui ont existé par centaines, sont tous égalitaires…

           Depuis qu’on est tout petit, on nous a mis dans le crâne une idée à laquelle on ne réfléchit même plus : s’il y a des inégalités, c’est normal, c’est que certains ont plus de responsabilités ; car il faut qu’il y ait des responsables, des chefs, pour organiser et décider de grands groupes humains, comme une ville par exemple. Cette idée arrange bien ceux qui profitent d’une place un peu privilégiée, dans le monde actuel. Elle les aide à justifier, à rendre même comme naturelles, les inégalités.

            A l’école, on nous a expliqué que les premières villes de l’histoire, comme Uruk (dans l’actuel Irak) il y a 5500 ans, n’ont pu exister que parce qu’on a accepté qu’il y ait des rois. Les rois se sont entourés d’une police pour se faire obéir, ils ont prélevé des impôts pour la payer et pour mettre en place des ouvrages collectifs. Les plus grands professeurs croient sincèrement à tout cela, aujourd’hui encore : pas de civilisation possible, comme l’Egypte, sans pharaons en chef, sans hiérarchie, sans inégalités.

            Seuls, quelques chercheurs qui ont vécu avec des peuples qu’on disait primitifs, comme les Bushmen au sud de l’Afrique, osaient dire autre chose. Ces peuples, qui ont existé par centaines, sont tous égalitaires. Il peut y avoir, et encore pas toujours, une place inégale pour la femme, mais c’est tout : on ne laisse pas se mettre en place une inégalité de richesse. Il y a besoin, à certains moments d’avoir un chef, pour une chasse collective par exemple. Mais jamais ce chef ne devient un privilégié. Il est obligé de redistribuer ce qu’il peut avoir, pour rester chef. Et s’il veut obliger à faire quelque chose que le groupe refuse, personne ne lui obéit plus. On peut donc avoir des chefs sans qu’il y ait des inégalités graves.

            Bon admettons, ont répondu les professeurs. Mais cela n’a pu marcher que parce que ces sociétés vivaient en tout petits groupes ; ils sont quelques dizaines, pas plus. Alors, vous êtes fous, vous voulez qu’on revienne à la préhistoire ? On n’a plus le choix maintenant. La ville, c’est toute une hiérarchie. Et il faut bien un meilleur traitement pour les plus responsables.

            Seulement voilà, au 20è siècle, on a commencé à découvrir des villes anciennes sans inégalité : Jéricho en Cisjordanie, Çatal-Huyuk en Turquie. On sait que ces villes étaient égalitaires. Car s’il y avait eu de grosses inégalités, on aurait trouvé des logements plus luxueux que d’autres, par exemple. Or les maisons sont toutes pareilles, les tombes les mêmes pour tous.

            Mais ce sont juste de gros villages, ont dit nos professeurs ! Dans une ville, il y a des rues de tailles différentes, des quartiers organisés.

            Sauf que les découvertes se multiplient. Aujourd’hui, en Ukraine, en Europe, on a non pas une, mais 23 villes égalitaires : toute une civilisation sans inégalité, la civilisation Trypillia. Ces villes s’appellent Nebelivka, Talianky, Dobrovi-dy… Chacune est construite en forme de grand cercle, avec une sorte de boulevard périphérique, des grands axes. Les chercheurs ont remarqué qu’il y a des quartiers qui pouvaient fonctionner de manière locale. Il y a aussi une immense place centrale, avec un bâtiment de 60 mètres sur 18, où pouvaient se réunir des milliers d’habitants, pour les grandes décisions de la ville.

            Aucune trace de chef tout-puissant dans tout Trypillia, il y a 6000 ans. Les humains qui ont construit ces villes ont donc su coopérer sans avoir besoin de domination par qui que ce soit, sans les sanctions qui vont avec. Et cela a duré 500 ans. Il n’est pas impossible que cette manière de faire s’est passée ailleurs aussi. Et que c’est ensuite, après que les villes aient été construites que, des siècles plus tard, des chefs ont réussi à s’imposer pour dominer la population.

            En tout cas, une chose est sûre maintenant, l’inégalité que nous connaissons de nos jours n’a rien de naturel. Et l’on sait aussi qu’il serait tout à fait possible de vivre autrement, sans hiérarchie et sans inégalités. Voilà ce que pourrait être une civilisation magnifique !

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