...Leur argument massue pour nous faire accepter l'idée d'un âge de la retraite toujours plus tard, c'est de nous dire que c'est normal de le reculer, qu'on est bien obligés : la durée de la vie augmente, la durée du travail doit augmenter. Eh bien, il y a une grosse arnaque dans cette histoire...
Grâce à la magie des chiffres qu'ils utilisent, ceux qui nous gouvernent ont presque réussi à nous faire oublier ce qu'il y a d'humain dans cette histoire de retraite. Tout le monde discute, journalistes, syndicats, partis, et du coup nous aussi, pour savoir si on doit ou non accepter de devoir travailler jusque 62 ans ou jusqu'à 64 ans, etc. Leur argument massue pour nous faire accepter l'idée d'un âge de la retraite toujours plus tard, c'est de nous dire que c'est normal de le reculer, qu'on est bien obligés : la durée de la vie augmente, la durée du travail doit augmenter.
Eh bien, il y a une grosse arnaque dans cette histoire. Oui, la durée de la vie s'allonge, c'est net. Ces dix dernières années, les femmes ont gagné en moyenne 2 ans et 2 mois, et les hommes ont gagné 1 an et 2 mois d'espérance de vie. Mais tous ceux qui sont un peu âgés le savent : après la soixantaine, le corps n'est plus le même. Il a besoin de ralentir son rythme, et avec l'âge, de nombreux désagréments apparaissent. On vieillit !
Ce n'est pas l'âge mûr et en forme qui s'allonge, non, c'est plutôt la durée de la vieillesse qui s'allonge. Et ce n'est pas du tout pareil. A tel point que des chiffres officiels existent pour suivre ce problème. Cela s'appelle “l'espérance de vie en bonne santé”. Or, depuis dix ans, l'espérance de vie en bonne santé, elle, ne s'allonge pas. Elle reste la même. Elle est en moyenne à 64 ans et 1 mois pour les femmes, et à 62 ans et 8 mois pour les hommes. Après cet âge, on n'est plus en bonne santé. On ne vit plus sans “souffrir d'incapacité dans les gestes de la vie quotidienne”. Ces mots et ces chiffres sont de la DREES janvier 2018, Ministère des solidarités et de la santé (Études et résultats n°1046).
C'est donc clair : sans même parler des métiers les plus durs, dès que la retraite est à plus de 60 ans, on fait partir la population à un âge où elle va vivre moins bien.
Mais ce n'est pas tout. Les chiffres qu'on nous donne, ce sont presque toujours des moyennes. Mais dans la vraie vie, derrière une moyenne, il peut y avoir des inégalités. Par exemple, un homme cadre a actuellement une espérance de
vie plus longue qu'un ouvrier, de 6 ans et 4 mois. Et une femme cadre a 3 années d'espérance de vie de plus qu'une ouvrière. Aucun système de retraite ne tient compte de cet écart. Est-ce normal ?
Enfin, l'argument selon lequel il y a de moins en moins de gens qui travaillent (les actifs) par rapport aux retraités, ne tient pas, lui non plus. Si de l'argent manque pour payer les retraités, c'est que ceux qui travaillent n'en touchent pas assez, et donc ne cotisent pas assez.
La raison, la voilà : dans les années 1980, les capitalistes empochaient à peu près 20% de la richesse produite en France et laissaient 80% aux salariés. Aujourd'hui, c'est 30% de la richesse que le capital empoche, sous formes de bénéfices, dividendes, loyers et intérêts de toutes sortes ! Ce qui leur fait pas loin de 700 milliards d'euros par an, juste parce qu'ils sont propriétaires des moyens de production. On le voit bien, une autre répartition des richesses, une autre société que le capitalisme pourrait tout changer.
Ceux qui, régulièrement, doivent lutter contre les aggravations des systèmes de retraite, ont bien raison. Mais il faut aussi dire haut et fort que la vie qu'on nous mène est d'ores et déjà inhumaine, et qu'une autre est possible.
La richesse existe pour pouvoir mettre en place un autre fonctionnement, un autre système. Une vie où toute la richesse est vraiment répartie équitablement entre tous, pourrait permettre de rendre le travail bien moins dur. Si le travail devient agréable, ceux qui le souhaitent pourraient travailler plus longtemps. Et l'on pourrait en finir avec l'idée même d'une retraite, comme d'un moment de soulagement final, après une vie de dur labeur.
C'est tout au long de notre vie que nous devrions vivre bien.